En septembre 2018 avait lieu le marathon de Berlin durant lequel le record du monde a été pulvérisé par le Kenyan Eliud Kipchoge. Parcourant les 42 kilomètres en un temps inimaginable de 2 h 1 min 39 s, l’athlète laisse maintenant entrevoir la possibilité d’un chrono en deçà de 2 heures dans un avenir rapproché.
Une volonté extrême de dépassement de soi combinée à des qualités athlétiques d’exception sont les principales raisons qui expliquent la victoire de M. Kipchoge. Toutefois, d’autres facteurs sont également à considérer, en l’occurrence l’équipement. Dans ce cas précis, on parle des chaussures : les Nike Vaporfly 4 %. Ces chaussures ont la caractéristique particulière de créer un « effet de flottaison » en permettant un retour énergétique de 85 %.
Comme la pratique sportive est presque indissociable de la volonté d’amélioration des performances, les fabricants d’articles de sport investissent massivement en recherche et en développement, afin de rendre leurs produits de plus en plus performants.
Voici donc les principaux éléments qui entrent en ligne de compte dans la conception des équipements sportifs.
Les matériaux
L’évolution du catalogue des matériaux est une des principales raisons de l’amélioration fulgurante de la performance des produits du domaine sportif. Autrefois, certaines caractéristiques recherchées pouvaient se contredire obligeant les designers industriels à multiplier les compromis. Par exemple, si on voulait de la solidité, on utilisait l’acier, qui, en contrepartie, était très lourd. L’arrivée de matériaux composites comme la fibre de carbone a permis de rencontrer résistance et légèreté.
La fabrication de vélos de route est un secteur pour lequel l’utilisation du carbone est particulièrement répandue. Les cadres doivent être très légers et avoir une grande rigidité structurelle pour éviter la torsion qui causerait des pertes énergétiques entre l’effort du cycliste et la roue motrice. À titre d’exemple, le Gallium Pro, du fabricant de vélos haute performance québécois Argon 18, possède un cadre de 759 grammes.
Les lois de la physique
Afin d’établir les cibles d’amélioration des produits, il est primordial de connaître précisément les règles déterminantes de la physique favorisant la tâche à accomplir. Illustrons cette affirmation en nous basant sur les sports dont l’objectif est l’envoi d’un projectile avec une plus grande vélocité ou sur une plus grande distance, comme le hockey ou le golf. La physique démontre que la vélocité du projectile sera directement proportionnelle à la durée de l’application de la force sur celui-ci.
Cette règle d’or a donc orienté la conception des bâtons vers une amélioration constante de la flexibilité, qui a pour effet de créer un effet de poussée (fouet) sur le projectile au lieu d’un impact instantané.
La distribution de la masse est également un élément très important dans la conception des bâtons. Au golf, la majeure partie de la masse est dans l’extrémité du bâton, ce qui augmente la force d’impact sur la balle. De plus, la tête est vide au centre, concentrant la masse dans la périphérie pour augmenter la surface optimale de contact avec la balle (sweet spot).
L’ergonomie sportive
S’appuyant sur la science de la biomécanique, l’ergonomie sportive a comme objectifs l’optimisation des performances humaines et la prévention des blessures. Ces objectifs peuvent être atteints par l’évaluation des caractéristiques des tâches motrices pour atteindre un maximum d’efficacité, réduisant l’inconfort et assurant la sécurité.
Pratiquant la planche à neige depuis plus de deux décennies, j’ai pu suivre l’aventure de l’évolution des fixations Step On du fabricant Burton. Le défi : permettre aux planchistes de fixer leurs bottes à la planche instantanément en déposant le pied sur la planche. Ce système était apparu dans sa première version il y a une vingtaine d’années. Burton avait cessé de le produire en 2004, car le système n’était tout simplement pas performant, voire dangereux. La version actuelle, qui a demandé quatre ans de recherche et de développement, présente un niveau de performance, confort et sécurité quasi identique à une fixation conventionnelle.
L’esthétique
L’esthétique des articles de sport va bien au-delà de la beauté des produits. En parfaite adéquation avec la stratégie marketing de la marque, les designers étudient le profil type des adeptes d’un sport et déterminent une direction artistique en conséquence. Comme la pratique d’un sport s’accompagne également d’un style de vie, il convient pour les designers de s’en imprégner pour être en mesure de proposer des concepts qui feront vibrer la fibre émotive de la clientèle cible.
Le langage stylistique permet également de suggérer une compétence technique recherchée par les utilisateurs du produit. Par le design, on peut faire dire à un produit ce que le client veut entendre, tel que « Je suis solide » ou « Je suis aérodynamique ». Le langage formel n’étant pas nécessairement bénéfique pour la compétence en question. L’ajout d’éléments graphiques peut également augmenter le positionnement stylistique particulier.
Alors que les sciences des matériaux et de la physique ont grandement contribué à l’amélioration de la performance des articles de sport, l’ergonomie et l’esthétique ont fait évoluer la relation entre l’athlète et son équipement. L’effervescence de l’innovation dans l’équipement sportif dont nous avons été témoins au cours des dernières décennies laisse entrevoir un plafonnement imminent au niveau de l’amélioration des performances. En ces temps où l’intelligence artificielle et la connectivité permanente s’immiscent dans nos vies, la pratique du sport n’y échappe pas. Il y a de bonnes raisons de croire que le prochain défi de la conception de l’équipement sportif réside dans la capacité des fabricants à intégrer les technologies de la communication.
Image à la une: Étude conceptuelle sur traineau
Source: daniels + edwiens industrial design, daniels-erdwiens.de